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Baudouin van Steenberghe, pouvez-vous nous en dire plus sur vous et votre parcours ?
Je suis avant tout passionné par l'art sous toutes ses formes et de toutes les époques car il symbolise le dépassement de notre condition.
Après un parcours d’humanités classiques et des études en expertise d’art, j’ai travaillé pendant plus de trente ans dans le secteur commercial (publicitaire, directeur d'agence de pub).
Depuis le début des années 90, je suis expert en art et antiquités auprès des Tribunaux. Actuellement, je suis le seul membre de la Chambre Belge des Experts en Œuvres d'art reconnu comme expert en jouets de papier. Par ailleurs, j’anime une formation officielle d’antiquaire au sein de la Communauté française de Belgique. J’ai inscrit l’étude du pop-up dans le programme de cette formation, car je le considère comme un art à part entière.
D’où vient votre passion pour les livres animés ? Comment êtes-vous devenu collectionneur ?
Ma passion pour le pop-up remonte en fait à mon adolescence quand j'ai réalisé trois cartes de vœux pop-up pour ma famille. Et ensuite par la découverte, en 1974, d'un pop-up d'Hergé sur une brocante. C'est alors que j'ai pris la décision de me documenter et de collectionner.
L'intérêt pour les livres pop-up résulte de ma passion pour l'art.
Car l'homme a toujours voulu représenter la réalité telle qu'elle est : en trois dimensions. Si la peinture a usé de paramètres relatifs, surtout à l'optique, architecture et sculpture sont en trois dimensions. Dès la Renaissance l'homme a cherché à reproduire cette réalité par le papier (1524 : Cosmographia par Appianus).
Ma passion pour le pop-up réside surtout dans l'inventivité, l'imagination exprimée par de multiples systèmes existants au travers des siècles.
J'ai pu réunir une première collection exposée au Musée de la Porte de Hal en 1993/94 (35 000 visiteurs en 3 mois) qui comportait déjà des raretés inconnues aux USA et même en France. C'est pourquoi Waldo Hunt, Président d'Intervisual (alors premier producteur au monde de livres pop-up), est venu voir l'exposition à Bruxelles accompagné des plus importants collectionneurs au monde. Ron van der Meer était aussi présent ainsi que J. Pienkowski.
Depuis, compte tenu du temps disponible et de mon état de santé, mes recherches ont été quasi permanentes : salles de vente, antiquaires, brocantes… À plusieurs reprises, je me suis rendu aux USA (Atlanta, New York, Washington...), à Londres, à Paris, à Vienne, en Grèce, au Portugal et en Thaïlande pour trouver des raretés ou des œuvres non importées en Europe. J'ai ainsi pu dénicher des livres pop-up exceptionnels, même fabriqués en Allemagne en pleine guerre (1942-43) ! Ce sont des chefs-d'œuvre souvent restés inconnus, même des spécialistes.
Comment décririez-vous votre collection ?
Ma collection est volontairement éclectique : elle débute par des anciens, la Cosmographia (1551), un livre sur les polyèdres édité en Angleterre en 1758, puis dans une version française en 1835, des théâtres d'Engelbrecht (1740, 33 pièces), des théâtres français, des panoramas du XIXe siècle anglais, un pop-up érotique peint manuellement d'époque Directoire, des cartes pop-up aux systèmes sophistiqués de la première comme de la seconde moitié du XIXe siècle, des images religieuses à 8 et 10 plans, des cartes publicitaires curieuses et rares du XIXe siècle et toute la kyrielle des livres à système du XIXe siècle depuis les boîtes panorama (1810) aux jeux et baromètres de la fin de ce siècle, en passant par des dizaines d'originaux de Nister et Meggendorfer, Dean ou Tuck. Je possède l'édition originale du Grand Cirque International de 1887 et autres livres de l'âge d'or (imprimés à Esslingen, en Hollande ou aux USA, ou distribués par Capendu ou Guerin-Müller en France).
Ajoutez-y une "flopée" de livres techniques ou scientifiques des années 1900, des Bookano's au charme désuet mais très sophistiqués des années 30/40. Quelques rares livres américains des années 30/40 et une série de livres Les Flots Bleus, Lucos et Multi-plans des années 50.
Et bien sûr les Walt Disney des années 30. Beaucoup de livres des années 60 entre autres les Kubasta (une soixantaine d’exemplaires), des livres russes, néerlandais, japonais, grecs, anglais, portugais, italiens, espagnols (dont un Popeye de 1936), arabes, scandinaves...
Et puis le "stock" des "Intervisual communications", "Random House" ou "Hallmark" depuis 1955 à nos jours, les Tintin dont des cartes de vœux pop-up rarissimes signées par Hergé et une carte pop-up hindoue à l'effigie de Bouddha (années 1950). Quelques livres d'artistes (Andy Warhol, Keith Haring...).
On clôturera par des centaines de cartes en toutes langues, des Pienkowski dédicacés, des jeux (1880 à 1990), des dizaines de Star Wars inédits en Europe et les derniers chefs-d'œuvre de Sabuda, ainsi que des œuvres bibliophiliques françaises actuelles.
Et parmi tous ces livres quels sont vos préférés ?
Le choix que vous me demandez est cornélien ! Je retiendrais la Cosmographia, Reliefs des polyèdres, les livres allemands de la Seconde Guerre mondiale et le Grand Cirque International de Meggendorfer ainsi que Alice de Sabuda. En privilégiant toujours le côté graphique, le système inventé, l'ingéniosité... ou la rareté. J'y ajouterais une casquette offerte en 1993 aux journalistes étrangers venus inaugurer "Mickey's Toontown" à Disney World (500 ex. au total) avec pop-up dans la visière.
Gaëlle Pelachaud, artiste française qui réalise des livres animés, nous a appris l’existence de votre projet d’un musée du pop-up. De quoi s’agit-il exactement ?
L'idée est simple : actuellement, il n'en existe aucun au monde. Même s’il existe des collections publiques comme celle de l’Université de Berkeley en Californie qui compte 2000 exemplaires, mais qui ne comporte que des "miettes" en français et surtout des œuvres postérieures à 1975 (don de Waldo Hunt Président de Intervisual Communications). Il existe aussi des "fonds" bien fournis (Bologne, British Museum, Rouen).
Je souhaite que le premier musée au monde du pop-up se situe à Bruxelles, ma ville et la capitale de l'Union Européenne.
Je souhaite céder la totalité de ma collection (entre 2000 et 2500 pièces) contre une rémunération assez symbolique (alors qu’Etats-Unis et France m'en ont offert jusqu'à 500 000 euros).
Je souhaite donner pour que tout le monde en profite : un collectionneur n'est que le dépositaire transitoire d'une part du patrimoine qui appartient à tous...
Quel est l’état d’avancement du projet en cette rentrée 2007 ?
Actuellement, tout est en pourparler même si un accord de principe a été donné. Toutefois, il faut tenir compte de nombreux problèmes liés à la situation politique belge (fédéralisme, communauté, région, ville) et à la présence de trois langues qui ne facilitent guère le débat. Combien de chefs-d'œuvre ou de collections ne sont-elles pas finalement parties à l'étranger (Malibu-Guimet, etc...) ?
Donc tout avance à petits pas. Mais, si par malheur mon rêve ne se réalisait pas, tant pis pour ceux qui auraient raté le train… Il restera la France (où plusieurs villes s’intéressent à semblable musée) et où par vos relations vous pourriez efficacement intervenir (Tours, Rouen, Paris... ?)
Concrètement, comment s’organiserait ce musée du pop-up ?
A priori, ce musée présenterait la collection de manière exhaustive, en tournante, avec des expositions thématiques temporaires. Ce musée ferait partie des Musées Royaux d'Art et d'Histoire de Belgique (au Parc du Cinquantenaire).
L’ambition de ce musée est d’être le premier au monde à s'ouvrir à l'art du pop-up. Il devra s’enrichir progressivement par achats ou dons, avec une priorité pour les pièces antérieures à 1930. Nous prévoyons aussi la constitution d'un "bureau d'études" international du phénomène pop-up.
Le financement devrait se répartir ainsi : la donation, le Musée, une participation sans doute fédérale, régionale et éventuel(s) sponsor(s).
La gestion serait assurée conjointement par le musée et moi-même. Le Directeur général serait la Conservatrice en chef).
Si le projet se concrétise, à quand l’ouverture des portes ?
Pour les raisons que je viens d’évoquer, il est prématuré d'annoncer officiellement une date d'ouverture. Personnellement, je l’espère pour fin 2008, si tout va bien !
Voilà ce que je puis vous dire jusqu'à présent. L'idée est là, elle a séduit et, en tout cas, un espace a déjà été trouvé pour l'ouverture et la première présentation de la collection (6 mois minimum).
Que vive le pop-up, un art et une technique encore à découvrir par des milliers de gens.
Texte D.R. livresanimes.com et Baudouin van Steenberghe
Thierry Desnoues remercie Gaëlle Pelachaud pour sa mise en relation, Baudouin van Steenberghe pour sa participation exceptionnelle, Philippe Paul et les Musées Royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles pour leurs photos.
Livresanimes.com adresse à Mr van Steenberghe tous ses vœux pour que son projet de musée du pop-up voie rapidement le jour à Bruxelles.
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Pour information : Mr Baudouin van Steenberghe est décédé en octobre 2008. Un an plus tard, son projet de musée n'a pas encore été réalisé.
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