Joëlle Jolivet, D.R.  
 
     
     
 
  Le corps humain
de Joëlle Jolivet
© Éditions des Grandes Personnes, 2021 (Paris)
Dépôt légal : novembre 2021
Parution le 18 novembre 2021
Album relié, 16 pages avec 37 rabats découpés, format 255 x 426 x 15 mm.
Imprimé en Chine
À partir de 5 ans
Prix éditeur : 29,50 €
ISBN 978-2-36193-615-0
 
     
     
     
     
 INTERVIEW

  Bonjour Joëlle,

Livresanimés.com est heureux que la sortie de votre nouveau livre Le corps humain, paru chez Les Grandes Personnes, nous donne l’occasion de cette rencontre.
On vous connaît pour la qualité de vos illustrations et votre travail de gravure sur lino. Ce n’est pas forcément un procédé auquel pensent les illustrateurs. Comment cela a-t-il commencé ?

Joëlle Jolivet
: Je ne me suis jamais vraiment posée la question. Il y a eu une première commande après la fin de mes études de graphisme aux Arts Appliqués puis un abécédaire, tous deux réalisés de cette façon. J’ai tout de suite été attirée par la notion d’impression et le travail sur lino me permettait d’avoir une qualité de trait qui me plaisait. Mais je ne fais pas que ça, même si j’aime bien brouiller les pistes, « patouiller » et mélanger gravure et aplats de couleur en numérique, pour laisser croire parfois que c’est du lino alors que ça n’en est pas et inversement.

Parmi vos nombreuses collaborations, y en-a-t-il eu qui ont particulièrement comptées pour vous ?
Dès la fin des années 1980, il y avait avec notamment Jacques Binsztok et Brigitte Morel (éditeurs) une envie de réfléchir autour du livre objet, du papier, de la forme... 

Puis, vers le milieu des années 2000, on a vu les premiers projets de pop-ups se développer sans passer par les éditeurs américains. J’ai alors beaucoup travaillé avec Gérard Lo Monaco et, après le succès du coffret carrousel pour l’Intégrale de Renaud (Le Roman de Renaud), nous nous sommes lancés dans une belle version de Moby Dick en diorama. Mais ça a été un énorme travail !

Il y a eu ensuite l’aventure des 10 P’tits Pingouins chez Hélium avec Sophie Giraud (éditrice), Gérard Lo Monaco (directeur artistique) et Jean-Luc Fromental (auteur). Je rêvais de faire du Kubasta, un truc sans colle, mais c’était trop difficile pour moi ! C’est l’ingénieur papier Bernard Duisit qui a alors apporté son talent pour que l’histoire, les pop-ups et le mouvement se combinent tous ensemble.

 
 



 
     
 

Venons-en à votre dernier livre Le corps humain. Ce qui retient tout de suite l’attention, c’est son grand format vertical (25,5 x 42,5 cm).
J’avais fait auparavant Zoo Logique au Seuil puis Costumes qui avaient les dimensions maximales pouvant entrer dans les cartons d’expédition !
Le format est donc venu naturellement d’autant que j’aime bien travailler à l’échelle en évitant autant que possible que mes dessins soient réduits.

Comparé à d’autres livres d’anatomie à système, votre approche du corps est précise mais volontairement accessible. Comment avez-vous travaillé ?
J’ai consulté beaucoup de documentation comme les livres d’anatomie à système du XVIIe, mais c’est le dictionnaire médical de mes grands-parents qui m’a vraiment fasciné ! De là, j’ai écrit le texte, qui a été relu et vérifié par des spécialistes avec l’idée qu’il soit destiné au plus grand nombre.
Concernant mon travail d’illustration, le fait de creuser le lino demande de la précision, de la netteté et l’envie d’aller vers une forme de simplification. C’est exactement ce que je voulais pour ce livre. D’ailleurs, Les enfants recopient mes dessins sans doute parce qu’ils comprennent ce qu’ils voient.

Pour découvrir tous les dessous de votre livre et du corps humain, le lecteur est amené à palper les pages (notamment celles consacrées aux organes ), un peu comme un médecin le ferait sur un corps humain. C’est vous qui avez conçu l’ingénierie papier et les nombreux volets souvent imprimés en recto-verso ?

Oui, j’ai eu la chance que mon éditrice soit « royale au bar » et m’invite à mettre autant de flaps dont j’avais besoin. Mais je voulais leur donner du sens ou, pourquoi pas, un peu d’humour comme les quatre écorchés qui se déplient et dépassent du livre comme s’ils saluaient le lecteur !

 
  On remarque l’usage d’une gamme de couleurs particulières, mises en valeur par de nombreuses surfaces noires. Après Coloriages, Costumes à colorier, les Gauguin coloriage (Réunion des Musées Nationaux, 2018), le corps humain vous est-il apparu comme un costume que vous auriez eu envie de mettre en couleur ?
C’est amusant parce que mon éditrice a d’abord pensé que je voulais faire un imagier du corps humain à colorier. Pourquoi pas d’ailleurs ? « ... Et ne te mélange pas les pinceaux entre les veines et les artères… » !
Franchement, les couleurs des documentations d’anatomie peuvent vous mettre le cœur au bord des lèvres. J’ai voulu retrouver l’harmonie des vieilles planches, parfois un peu jaunies, et surtout apporter une gamme de tons plus doux que la réalité.

Vous faites partie des illustrateurs jeunesse (ou pas) qui renouent avec des techniques de représentation issues de la gravure en relief (bois, lino …). Êtes-vous en contact entre vous ?
Il n’y a pas « un » groupe d’illustrateurs graveurs mais, quand on se croise, c’est sûr qu’on a des choses à se dire. À mes débuts, j’étais allé voir May Angeli, mais j’ai noué davantage de liens avec mes amis tchèques des éditions Baobab, comme Juraj Horváth, Magdalena Rutová, Chrudoš Valoušek. La gravure est vraiment dans leur culture, c’est la même chose en Belgique.

Ressentez-vous un lien particulier avec l’imagerie populaire ?
Oui, absolument ! Je peux vous parler des images populaires anglaises, russes, italiennes, de celles des Pays-Bas ou encore de nos images d’Epinal avec lesquelles j’aurais pu et j’aimerais toujours collaborer. Mais je garde une place particulière pour Posada et José Borgès, le maître du cordel* brésilien. J’ai même failli le rencontrer à l’occasion d’un festival à Bahia.

Parallèlement à vos collaborations, avez-vous des projets personnels que vous voudriez nous faire partager ?
Oui, il y a bien sûr la série de BD chez Hélium Miss Chat avec Jean-Luc Fromental dessinée au stylo (!). Et à venir, chez le même éditeur, un second conte indien qui fait suite à Tigre de miel. Il y a aussi d’autres projets avec Les Grandes Personnes.

Entre votre exposition Grave bien ! organisée par le Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil et les 22 médiathèques de Plaine Commune (en Seine-Saint-Denis) et Lino in vivo qui se déroule jusqu’au 09 janvier 2022 à la Galerie Héloïse (37 rue Dunois, Paris 75013), merci, Joëlle Jolivet, d’avoir répondu à notre curiosité.

Propos recueillis par Jean-Marc Desrosiers en décembre 2021

* NDLR : Livres du cordel, petits livres de poésies populaires dont la couverture est illustrée d’une gravure. Le nom vient du fait qu’ils sont vendus sur les marchés accrochés sur une corde.

 
 

 
  Thierry Desnoues et Livresanimes.com remercient également chaleureusement Joëlle Jolivet pour sa réactivité en cette période chargée en événements (salons, exposition).

 
    
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