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Janik Coat et Bernard Duisit présentent Bouh !.
Racontez-nous un peu l’histoire de la création de cette collection qui comporte à présent huit titres avec Bouh !
Bernard Duisit (BD) : Cette collection, proposée par hélium, composée d’albums de sept à huit doubles pages à tirettes, a été initiée avec Delphine Chedru par Tu préfères, en 2013. Elle s'est construite au fur et à mesure, au rythme des parutions : thématiques, illustrations et animations. J’en ai été dès le début l’ingénieur papier, comme je l’avais été juste avant pour les P’tits pingouins de Joëlle Jolivet et Jean-Luc Fromental, chez hélium aussi. La collection est basée sur le mouvement, la surprise et l’humour. Les tirettes sont simples à l’horizontale, ou rotatives, ou encore à images changeantes, à pop-up… Parfois, un grand pop-up s’ouvre sous un volet.
Je veille toujours au rythme de succession des doubles pages, alternant les différents types de tirettes, leur sens de manipulation, animations simples « silencieuses » ou plus complexes, afin que le livre soit bien vivant.
Ce nouveau titre Bouh! prolonge ma collaboration avec Janik Coat, initiée en 2013 avec Ça dépend chez hélium.
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Quand et comment vous êtes-vous rencontrés, Janik et Bernard, vous qui avez à présent réalisé cinq livres ensemble ?
Janik Coat (JC) : C’est Sophie Giraud [directrice, éditrice et fondatrice des éditions hélium] qui nous a présentés en 2013 car elle m’avait proposé de participer à ce début de collection suite au Tu préfères de Delphine Chedru. Nous avions envie de reprendre les mêmes personnages que dans le jeu Les Animaux en maillot. Nous avons commencé à échanger avec Bernard et Ça dépend a vu le jour…
BD :Les personnages de Janik, comme Popov ou Romi, ont une expressivité silencieuse, un « immobilisme vibrant » comme l’a écrit la journaliste Marine Landrot (> cf. l’article de Télérama), plein d’une énergie qui ne demande qu’à s’exprimer, disponible pour être mis en mouvements ! Les tirettes et les pop-ups leur vont très bien ! C’est ainsi que s’est mis en place entre Janik et moi un jeu de ping-pong créatif, très stimulant.
JC : Oui, j’aime quand le pop-up est au service du propos, quand il complète l’illustration, qu’il va plus loin, qu’il est harmonieux et sans artifice. C’est ce que j’ai trouvé dans le travail de Bernard. Nous avons beaucoup de respect et de bienveillance l’un pour l’autre. C’est cela qui nous guide aussi.
Vos surprises déclenchent souvent le rire en plus de l’effet Waouh ! L’humour est une caractéristique de la collection et de beaucoup de vos ouvrages.
JC :
Tant mieux ! Cela fait partie de l’interactivité que nous souhaitons mettre en place avec l’enfant. C’est cette interaction qui nous intéresse : que l’enfant agisse, qu’il soit surpris, qu’il s’amuse…
Qu’en est-il des étapes de réalisation de Bouh ? Comment procédez-vous ?
BD :
Nous échangeons à bâtons rompus et nous posons nos idées sur papier (carnets). Janik crayonne ses premiers croquis.
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Carnet de croquis de Janik
Nous échangeons nos idées, Janik et moi, puis nos croquis. Ainsi, nous élaborons peu à peu les différentes scènes du livre.
Janik, vous semblez, dans votre travail, beaucoup vous intéresser aux objets : vous avez réalisé des cubes, des jeux de cartes... Connaissiez-vous les pop-ups avant de faire la rencontre de Bernard ?
JC :
Je les apprécie mais je n’en fabrique pas. Cependant, j’aime beaucoup sortir du cadre de l’album traditionnel. J’aime les « albums jeux », qui font appel à l’observation et à la narration sans parole, comme dans La Malédiction des flamants roses chez Grasset ou Baisers polaires chez Albin Michel…
Janik, pouvez-vous nous rappeler votre parcours ? Quelle enfant étiez-vous ?
JC :
Enfant, je dessinais tout le temps. Je réalisais des petits livres agrafés, dans lesquels il n’y avait pas encore de bêtes ! Adolescente, c’est resté ma ligne directrice. J’ai ensuite été formée aux Beaux-Arts de Nantes, avant de devenir graphiste. C’est lors de cours de dessins réalistes d’observation au Muséum d’Histoire naturelle de Nantes que s’est révélé mon très grand intérêt pour les animaux. Leurs capacités exceptionnelles me fascinent : ils rampent, ils volent, ils nagent…, ils sont énormes ou microscopiques… C’est un univers tellement vaste qu’il est sans cesse source d’inspiration. Bien au-delà des capacités limitées des humains ! J’étais à l’aise avec cet univers passionnant.
D’où Amos le koala, Romi le rhinocéros, Popov l’hippopotame, Bernie l’ours. Bernie… comme Bernard ?
JC :
Oui, Bernard m’a un peu inspiré ce personnage de l’ours qui apparaît pour la première fois dans notre second livre, Le Cube rouge. Il fallait lui donner un nom… Alors, j’ai pensé à Bernie, un surnom de Bernard.
Au cours de tes années de formation, et encore aujourd’hui, quels ont été les artistes qui ont nourri, accompagné ton travail ?
JC :
Je me souviens avoir été marquée par le graphisme japonais et les dessins animés des années 70. J’ai été imprégnée par l’œuvre d’Hergé évidemment mais j’ai une très forte admiration pour le dessin de Franquin, tellement vivant. Egon Schiele, Toulouse-Lautrec sont des références perpétuelles. J’ai été très marquée par l’univers des Moomin créé par Tove Jansson, à la fois littéraire, poétique et graphique. Plus tard, j’ai aimé les artistes Paul Cox, Enzo Mari, Kastumi Komagata, Bruno Munari... qui ont en commun d’être des auteurs-illustrateurs, créant des ponts entre plusieurs disciplines : le graphisme, la peinture, le volume... On est alors plus proche du livre d’artiste que du livre illustré. Dans les années 90, la créativité des éditions du Rouergue a été également un déclic assez révélateur.
J’aimais aussi beaucoup Quino [le créateur du personnage de Mafalda]. Dick Bruna [le créateur de Miffy], Ali Mitgutsch, et Zdenek Miller [le créateur de la petite taupe Taupek] m’ont influencée aussi.
Et vous, Bernard, quel a été votre parcours ? Etiez-vous un enfant créatif ? Comment avez-vous découvert le pop-up ?
BD :
Enfant, je « bidouillais », j’explorais, je dessinais beaucoup. La conscience de vouloir faire un métier artistique est arrivée tôt, je crois (en tous cas, dans mes souvenirs), et j’ai eu la possibilité de faire des études d’art, dans le nord de la France. Autodidacte en ce qui concerne l’apprentissage des mécanismes pop-ups, j’ai pu expérimenter beaucoup de choses dans le cadre de mes études en école d’art et de design. Des rencontres avec des collectionneurs et collectionneuses de livres animés m’ont ouvert à l’histoire, et à d’autres créateurs de livres animés : Nister, Meggendorfer, Moseley, James Roger Diaz, Komagata et pleins d’autres ! Mes explorations en pop-up ont eu une bonne place lors de mon diplôme de fin d’études : sculptures, livres, expériences d’interactivité en numérique. Après un début de vie professionnelle en tant que graphiste, je me suis spécialisé dans le design papier. Je suis ingénieur papier depuis les années 2000.
À présent, Janik et Bernard, quels sont vos projets ensemble ?
BD : Ensemble, nous avons toujours des petites idées de projets qui s’alimentent au fur et à mesure. Mais il est un peu trop tôt pour parler de prochains projets communs.
JC : Oui, nous allons déjà accueillir Bouh ! dont on avait déjà l’idée en 2016 !
Et séparément ?
JC : J’ai beaucoup de projets de livres que j’élabore seule et des expositions à préparer. J’espère notamment avoir plus de temps pour me consacrer à la peinture au pochoir.
BD : J’ai des projets avec hélium, dont un titre qui paraîtra au printemps prochain, album conçu avec Olivia Cosneau [voir la couverture ci-contre]. En parallèle, les livres qui tournent autour du documentaire m’intéressent toujours. Et un ouvrage chez la Martinière Jeunesse est prévu fin 2022 (suite au titre Volcans paru en 2019).
À suivre, alors !
Propos recueillis par Anne-Sophie Baumann
en septembre 2021.
Remerciement
Anne-Sophie Baumann et Livresanimes.com remercient chaleureusement Janik Coat et Bernard Duisit pour leur confiance et disponibilité.
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