Sandalino est un humble pantin, qui déposé tout calciné un jour d’orage dans un jardin, se transforme en une sorte de petit pierrot énigmatique à l’habit d’Arlequin. Sandales aux pieds (d’où son nom), il semble vouloir s’extasier de tous les enchantements que lui propose la nature. Il s’enivre du parfum des fleurs, parle aux oiseaux, admire les couchers de soleil… La simplicité de ses émerveillements participe au charme de ce livre à systèmes. Ce n’est pas vraiment un album à lire, mais une œuvre faite pour rêver, dont la force réside dans la pureté des visuels, à l’image des aplats des fonds de pages aux couleurs éclatantes. L’apport de quelques courtes phrases a toutefois le mérite de servir de guide.

Mis en forme par l’ingénieur papier Olivier Charbonnel à partir de photos fournies par l’artiste, ce pop-up, comme ses ouvrages précédents, Le voyage du vent ou Un petit bois mystérieux, utilise largement la technique de la plate-forme flottante. Simple ou empilée, munie de fenêtres ou de fentes, parfois combinée à d’autres techniques, sa caractéristique est de posséder un pli central qui s’aligne avec le pli de la double page sur laquelle elle est reliée par de courts onglets collés, cachés en dessous.
Robuste, de formes symétriques ou asymétriques, ce principe est particulièrement efficace pour des images destinées à être vues d’en haut. Ainsi, le sujet semble magiquement planer au-dessus de la surface des pages en défiant les lois de la gravité.

Ce n’est donc pas un hasard si nous retrouvons au sein de ce livre la grâce et la beauté qui caractérisent les sculptures cinétiques de Susumu Shingu.

Sandalino est comme un hymne à la vie, un album délicat aux allures légères qui porte l’imaginaire.
Daniel Mar

S’il est un message à transmettre ici aux jeunes lecteurs, il serait : « Attention, si tu te laisses tenter, gare aux monstres ! ». Ainsi au moindre écart, des créatures maléfiques s’échappent de la page grâce aux illustrations vibrantes et surtout aux trois pop-ups affreux et véritablement fascinants. Ils surgissent et se meuvent de façon désordonnée par le jeu d’ouverture-fermeture du livre mais aussi, pour deux des trois, grâce à une tirette actionnant une animation.
Mais rassurons-nous, leur ami Jacques le chasseur de monstres sera toujours prêt à intervenir en leur faveur pour les sauver des croquemitaines et autres chimères menaçantes, quitte à les sauver aussi d’eux-mêmes au passage !

On trouve dans cet ouvrage une petite réflexion philosophique haute en couleurs, vives et abondantes, mais bien à la portée de tous : la nature humaine, ses faiblesses… et sa monstruosité ? Trois rites initiatiques permettent à nos jeunes héros de la vie quotidienne de se construire et de vaincre leurs peurs parfois bien ancrées dans leur imagination qui est aussi riche et luxuriante que l’atmosphère se dégageant de ces doubles pages.
Nos petits diablotins pourront céder sans risque à la coupable tentation de se frotter à cet album qui promet dès sa couverture d’être terrible au double sens du terme.
Vanessa Mourey Soriano

Avec le livre documentaire pour la jeunesse Naissance, nous suivons l’aventure scientifique de la procréation, depuis la fécondation jusqu’à l’apprentissage des cinq sens du nouveau-né. Malgré la complexité de ce processus, ce texte se lit comme une histoire. Comment avez-vous appréhendé et mis en forme toutes ces connaissances ?
La structure du livre s’est élaborée par des allers-retours avec mon père Jean-Claude Druvert, qui est médecin. Nous avons fait de nombreuses recherches, échangé des documentations avant que le plan soit validé par l’éditrice et que je réécrive l’ensemble. J’ai lu beaucoup d’ouvrages sur la gestation et il faut bien dire que la plupart sont barbants. Je voulais, avant tout, que ce livre soit didactique et lisible par tous, aussi bien les adultes que les plus jeunes. J’ai été très heureuse d’apprendre que de futures mamans l’ont acheté ou reçu en cadeau pour accompagner leur propre grossesse. C’est un livre qui peut se partager en famille et s’adresser aussi aux élèves en cours de SVT.

L’intérêt de la lecture est stimulé par une mise en page à la fois dense et aérée, animée par vos découpes et vos illustrations. Comment vous y êtes-vous prise pour organiser cet ensemble ?
Le chemin de fer du livre s’est construit essentiellement autour des trois pages en papier découpé que nous avions décidées de faire. Il a fallu tester les découpages, ajouter des ponts pour éviter les points de fragilité. Mon but est d’obtenir le plus de finesse possible, avec un côté dentelle, tout en veillant à ce que le livre reste manipulable sans précaution particulière. Cela nous a amenés, avec mon directeur artistique Hubert Van Rie, à faire beaucoup d’essais et à réaliser des petits tours de magie auxquels il m’avait déjà habituée !

Ensuite, j’ai cherché à rythmer l’ensemble en répartissant les rabats, les illustrations, les découpes avec des choses à découvrir à l’arrière (comme le fœtus du 7e mois qui ouvre les yeux entre le recto et le verso).

J’ai été aussi inspirée par les livres animés anatomiques du début du XXe siècle et je voulais que ce livre réserve au lecteur une surprise à chaque page.

Depuis quelques années, les lecteurs découvrent des livres de plus en plus sophistiqués, réalisés en découpe laser. Comment cela se passe-t-il ?
Il faut imaginer une très grosse imprimante qui permet de rentrer un dessin sous forme de tracé vectoriel. La machine calcule ensuite la découpe optimale et le laser fait le reste. Là où il fallait six heures de découpage au scalpel, j’obtiens maintenant un prototype en dix minutes ! J’ai beaucoup travaillé à la main et je peux dire que moins on passe de temps à la découpe, plus on peut en consacrer au dessin et à la construction de l’image.

Au fil de la lecture et des mois de grossesse, on a le sentiment que l’illustration, comme le bébé, prennent de plus en plus de place et grandissent sous nos yeux…
Oui, je voulais absolument que le bébé soit représenté au 9e mois dans sa taille réelle et qu’on ait la sensation d’être devant une réalité tangible.

Pour la petite histoire, j’ai commencé Naissance alors que j’étais enceinte de ma fille, qui est née quelques jours avant la sortie du livre ! Je peux dire que le bébé a grandi dans mon ventre en même temps que le livre prenait forme. Il est en quelque sorte mon avatar papier !

Après le succès de Naissance, déjà traduit en cinq langues, quels sont vos projets ?
J’ai envie de continuer les séries documentaires. D’ailleurs, j’ai terminé pendant la période de confinement un nouveau titre, Le ciel, qui sort à la fin de l’année dans la même collection chez La Martinière Jeunesse.

Par ailleurs, j’adore inventer mes propres histoires avec très peu de textes comme Imagine un jardin** chez Gautier Languereau, qui raconte par découpages superposés un jardin imaginaire. J’espère enfin pouvoir sortir un prochain livre pour les plus jeunes, peut-être sans découpe mais qui sera sûrement un livre animé…

Propos recueillis par Jean-Marc Desrosiers

* commenté sur Livresanimes.com en mars 2017. > Ici
** commenté sur Livresanimes.com en janvier 2020. > Ici

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IMPORT

Flora
A botanical pop-up book
Ingénierie papier de Yoojin Kim
Illustration de Kathryn Selbert
Texte de Nicole Yen
Responsable éditorial : Georges White
Conception graphique de Yoojin Kim et Monika brandup
© 2020 Jumping Jack Press
Un département de Up With Paper, LLC (USA).
Paru le 1er avril 2020
Album relié, 8 doubles pages dont 7 avec pop-up, 12 rabats et 2 tirettes, format 22,7 x 23 x 3,5 cm.
Imprimé et fabriqué en Chine
À partir de 5 ans
Prix éditeur : 29,99 USD
ISBN 978-1-62348-6563

> Après Leaves (sur l’automne) et Shells (sur l’été), Yoojin Kim, ingénieure papier et directrice artistique chez UWP Luxe (entreprise américaine éditant des cartes pop-up), continue la série des quatre saisons avec Flora (sur le printemps). Vous l’aurez compris d’après le titre, il va être question de botanique. Flora étoffe ainsi la liste des ouvrages animés sur les fleurs tels que Paper Blossoms de Ray Marshall ou Corolles de Philippe UG.

Nous avons là un livre de superbe facture : la couverture épaisse donne le ton avec une belle calligraphie métallisée pour le titre. La beauté de l’œuvre tient énormément au travail de Kathryn Selbert avec des illustrations délicates et réalistes au charme suranné. On découvre une profusion de fleurs de toutes sortes (pivoines, hibiscus, coquelicots, œillets, nénuphars…) magnifiées par les structures animées parfaitement fonctionnelles de l’auteure. Le tableau aquatique avec la grenouille et celui de la serre sont un ravissement pour les yeux. Si vous scrutez les décors à la recherche d’une zone non imprimée, vous n’en trouverez pas : ils sont observables sous tous les angles.

Mais cet album n’est pas seulement un catalogue floral. Il a une dimension pédagogique grâce aux textes de Nicole Yen, bien visibles à chaque double-page ou disséminés sous des rabats discrètement fléchés, à tel point qu’il vous faudra certainement une deuxième lecture pour découvrir les deux languettes à tirer !
Le contenu rédactionnel permettra d’évoquer avec des enfants le cycle de la plante, la pollinisation, les interactions entre les fleurs et certains animaux (mutualisme) ou encore l’impact émotionnel des végétaux.

Sans l’ombre d’un doute, le printemps de Flora est paré d’une robe bien élégante !
Sylvain Fournié de la Martinie

La version française du livre a été publiée par Kimane fin mai 2020 sous le titre Merveilles de la nature avec une couverture différente sans encre métallique.